jeudi 5 septembre 2013

Expressions et jargons

La cappitude (cappée attitude).

Comme ceux qui me connaissent le savent (ou pas) j'aime bien la langue de bois des affaires.
Si vous suivez avec attention mes aventures, vous vous souviendrez que je me suis fait traiter, il n'y a pas si longtemps, de cappée (ou capée ?) par mon grand ami le Tokar de Paris.
Et évidement, je ne savais pas ce que c'était !
La plouque qui sort de son Vladivostok !

Le marrant là dedans, c'est qu'il peut y avoir plusieurs explications.

Moi, tout de suite "compliquée", la première qui m'est venue à l'esprit, c'est la transposition d'une expression anglaise, "to be capped", utilisée comme synonyme de réussir un examen. Car la tradition chez nos amis anglais est de remettre les diplômes aux  lauréats d'un examen avec un cérémonial, really so charming, mais un peu suranné quand même. Pour cette grande occasion, les impétrants sont habillés en toge universitaire avec un joli petit chapeau (appelé coiffe comme chez les vieilles bretonnes). Donc to be capped, ou être chapeauté, se dit quand on enfile son beau costume pour aller chercher son diplôme. D’où ma première idée, je suis cappée, je suis diplômée.

Petit aparté : par chance pour nous, la tradition est en train de revenir en France.
Je vous recommande le site de diplomissimo pour avoir un aperçu de ces merveilles.


Évidement, même si ça se tient, je pense maintenant que je faisais fausse route. Il y a de fortes chances pour que le tokar de Paris ne m'ait pas traitée de cappée mais de capée.
"Ah mais ça change tout !!!!" j'entends d'ici l'exclamation, frisant la condescendance, de mes lecteurs.

Ouais, bon, ça change tout mais pas tant que ça. C'est juste le cheminement qui change : être capé s'utilise dans le monde du sport et signifie (je donne la définition pour les ploucs comme moi), avoir été sélectionné dans l'équipe nationale.
Et d'où ça vient, me direz-vous ? Et bien encore une fois de nos amis anglais, quoique s'ils continuent à nous polluer la langue, on ne va pas rester amis longtemps. à une certaine époque, les joueurs sélectionnés en équipe nationale, pour le rugby selon certaines sources, ou le foot pour d'autres sources, se voyaient remettre un couvre-chef sur lequel était mentionné différentes indications, comme par exemple la date de la rencontre.

Vous n'êtes pas sans avoir remarqué que comme la version précédente ça vient de l'anglais cap, alors question pourquoi cappé vs capé ?
C'est bien simple, vous avez déjà vu un sportif qui écrit sans fautes ?
Et puis c'est pratique pour déterminer le profil de la personne, s'il est capé, c'est un sportif, s'il est cappé, c'est un universitaire !
Et pour les sportifs universitaires, on dira capppé...


Je reviens vers vous (I come back to you)

Ah, celle là !!! L'expression la plus détestable que nos (anciens) amis anglophiles nous ont transmis, et qui malheureusement s'est répandue comme une nappe de pétrole sur les côtes françaises.
Non mais, vous vous entendez parler quand vous dites ça ?

Première constatation, très souvent, cette expression est utilisée à la place de "je vous recontacte", "je vous rappelle"..Le français est assez riche pour trouver des expressions moins lourdes et pompeuses !

Deuxième constatation, le sens premier de revenir, lorsque le sujet est un être animé, implique un déplacement physique (voir le très bon dictionnaire du CNRTL).
Donc quand vous dites à quelqu'un "je reviens vers vous" au téléphone, apprêtez vous, tel Tarzan, à voler de lianes en lianes fils de téléphone en fils de téléphone vers la personne en question. Attention !!! Si votre interlocuteur habite une île ou un autre continent, ou les deux à la fois, même Johnny Weissmuller hésiterait à traverser l'Atlantique en volant de câbles sous-marin en câbles sous-marin.
Peut-être encore pire, quand vous revenez vers quelqu'un par courrier, attendez vous à devoir faire un trajet, plus ou moins long, dans un carton (n'oubliez pas de percer des trous pour respirer). Ça ne va pas être très confortable.... et je ne parle pas des impondérables techniques liés au transit alimentaire, pour peu que votre transport (de joie) dure plusieurs jours.

Troisième constatation, c'est devenu un lieu commun du net de ne plus supporter cette expression, mais j'assume et vous propose quelques liens.
Libé y a consacré un article de sa série "Expressions à la con".
10 expressions du jargon d'entreprise dans Le Point
Le wording du jour: "Je reviens vers toi" - L'Express
 Je vous laisse chercher, il y a pleins d'articles marrants

Selon les "statistiques du net" (qui rime avec "à prendre avec des pincettes") cet anglicisme serait présent dans 9 mails professionnels sur 10, et dans autant de conversations téléphoniques. Il serait bon de déclarer la guerre à nos ennemis héréditaires d'outre Manche et Atlantique réunis.

Heureusement, la tendance évolue. Il parait que cette formule fait déjà "has been" (moi aussi j'ai le droit !!!) et que, déjà, nous arrive sa remplaçante "Je te reviens", "Je te reviens mercredi pour la réponse" et bien non justement tu ne me reviens pas. L'anglicisme déformé fini par "faire sens", comme dit une autre expression britannico-américaine tout aussi détestable, mais pas le sens attendu...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire